Album : The Velvet Underground & Nico
Je vais vous parler aujourd’hui d’un album que j’aime énormément : il est classé Treizième au classement des 500 meilleurs albums de tous les temps par Rolling Stone, et cela ne doit pas être pour rien.
En 1967, cet OVNI musical débarque sur la planète rock : The Velvet Underground & Nico, que vous devez certainement connaître sous le nom de "l’album à la banane" en référence à sa pochette iconique, signée Andy Warhol.
Cet album a longtemps incompris, et pourtant, il est aujourd’hui considéré comme un pilier du rock alternatif, du punk, de la new wave et même du noise. Chaque chanson y est une expérimentation, une provocation ou une confession. Voici un voyage piste par piste au cœur de ce chef-d’œuvre dérangeant et visionnaire.
1. Sunday Morning
"Watch out, the world’s behind you..."
Les Velvet ont fait choix d’une chanson étonnamment douce pour ouvrir l’album, offrant un titre vaporeux, mâtiné de glockenspiel et d’une basse étonnante. Elle aurait été écrite à la dernière minute pour avoir un potentiel "tube", et évoque l’angoisse latente du quotidien, un dimanche matin mélancolique où plane la paranoïa. La production éthérée tranche avec le reste du disque.
2. I’m Waiting for the Man
"Up to Lexington 125, feel sick and dirty, more dead than alive"
Ici, Lou Reed incarne un junkie new-yorkais en quête d’héroïne à Harlem. Guitares tranchantes, rythme répétitif quasi-mécanique, chant détaché : la chanson annonce le rock urbain des décennies à venir. Un morceau brut, sans concession, qui capture la réalité crue des bas-fonds.
3. Femme Fatale
"She’s gonna smile to make you frown..."
Chantée par Nico avec son accent allemand si singulier, cette chanson d’apparence pop est en réalité ironiguqe : Warhol l’aurait inspirée en dédiant le morceau à Edie Sedgwick, icône de la Factory. Sous ses airs délicats, le morceau dresse le portrait d’une muse destructrice.
4. Venus in Furs
"Taste the whip..."
Adaptation sulfureuse du roman éponyme de Sacher-Masoch, cette chanson évoque les pratiques BDSM. La voix détachée de Lou Reed et l’alto strident de John Cale créent un climat de transe hypnotique. Ce morceau est sans doute le plus "underground" de l’album.
5. Run Run Run
"Teenage Mary said to Uncle Dave..."
Retour à un rock plus électrique. Ce morceau, à la fois sarcastique et frénétique, brosse le portrait de plusieurs personnages marginaux à la dérive dans la ville. La guitare, en roue libre, évoque le chaos urbain. Lou Reed joue ici avec les codes du blues urbain et du proto-punk.
6. All Tomorrow’s Parties
"What costume shall the poor girl wear..."
L’un des sommets de l’album. Nico chante une mélodie liturgique sur un martèlement répétitif de piano joué par Cale. Le morceau sonne comme une procession funèbre dans la haute société new-yorkaise. Warhol l’adorait : une critique élégante mais acide de la superficialité mondaine.
7. Heroin
"It’s my wife, and it’s my life..."
Pièce centrale de l’album et l’un de mes préférés. Avec ce morceau, Lou Reed fait un pari insensé : celui de ne ni glorifier ni condamner l’héroïne, mais d’en faire le sujet d’un trip musical. Le tempo fluctue, s’accélère et s’effondre comme une montée puis une descente à l’instar de la drogue elle-même. C’est une expérience plus qu’une chanson.
8. There She Goes Again (femme fatale)
"She’s out on the streets again..."
Ce titre pop aux airs presque Motown cache un texte cynique sur la prostitution et la dépendance affective. Le contraste entre mélodie entraînante et paroles sombres est typique du Velvet. C’est aussi l’un des titres les plus "accessibles" de l’album.
9. I’ll Be Your Mirror
"When you think the night has seen your mind..."
Ballade simple et lumineuse chantée par Nico. Warhol aurait demandé à Lou Reed d’écrire ce morceau pour elle. Un des rares moments de tendresse de l’album. La chanson célèbre l’empathie et le soutien inconditionnel – comme un miroir qui reflète la beauté intérieure de l’autre.
10. The Black Angel’s Death Song
"The myriad choices of his fate..."
Ici, le Velvet bascule dans l’expérimentation pure. Texte dadaïste, cris d’alto stridents, souffle sibilant de Reed… Un véritable chaos organisé. Certains clubs refusaient que le groupe joue ce morceau en live. C’est du spoken-word hallucinatoire sur fond de déconstruction sonore.
11. European Son
Sept minutes de désintégration sonore
Hommage ambigu au poète Delmore Schwartz, cette longue improvisation commence comme une ballade puis explose dans un tumulte de feedback et de distorsions si chères au Velvet, avec peu de paroles, voire pas du tout. European Son est une anti-chanson, une rupture violente avec le format classique. Le Velvet s’y libère de tout carcan.
Cet album, qui étrangement a été boudé à sa sortie par les radios, qui ne le diffusaient pas, a connu un succès sur le tard.
Il est un disque de contrastes, sublime et brutal, mêlant drogue et poésie, chaos et discipline. Incompris à sa sortie, il a influencé des générations entières de musiciens, de David Bowie à Sonic Youth en passant par Joy Division et The Strokes.
Brian Eno en a dit :
"Peu de gens ont acheté ce disque à sa sortie, mais chacun d’entre eux a formé un groupe."
Et c’est peut-être ça, le vrai pouvoir de cet album à la banane : faire naître la rébellion créative chez l’auditeur.
La légende dit même que la banane d'Andy Warhol sur la pochette originale des tous premiers pressages était imbibée d'une petite goutte de LSD ...
https://youtu.be/zhagEGfP7_g?si=tRJloVTRNx_8SsXa
https://youtu.be/JCKC1kvkVJY?si=VcidyNA1FSIcC4e0
https://www.youtube.com/watch?v=xwLWY8PBO8k&list=RDxwLWY8PBO8k&start_radio=1