Frida Kahlo : la douleur mise en couleur
Je suis sûre que vous avez tous au moins un peu entendu parler de Frida Kahlo : on voit souvent son visage partout, ou ses œuvres.
Bien des gens (moi la première) s’interrogent au premier abord sur son monosourcil, sur ses peintures criantes de vérités, qui peuvent horribles et fascinantes à la fois, et sur tant d’autres choses qui ont fait sa particularité. Eh bien, cette femme avait toutes les raisons du monde de s’en foutre comme de sa première culotte de s’armer d’une pince à épiler, de préférer peindre la douleur et de montrer une (sa) vérité crue.
Je vais tenter de vous raconter son histoire, si tant est que je puisse lui rendre justice.
Voyez-vous, il y a des vies qui se racontent en éclats de lumière, en éclats de joie, voire même à la manière d’une comète scintillante, brûlantes et incandescentes, et d’autres qui se racontent tout en douleur et en cicatrices peintes comme celle de Frida.
Sa vie appartient à cette rare catégorie d’existences où l’art est devenu une nécessité vitale, pour ne pas hurler, pour ne pas mourir, pour ne pas craquer : si Frida a transformé sa souffrance en palette, sa chair meurtrie en poésie visuelle pour des raisons que vous ne pourrez que comprendre, c’est parce que sa vie n’a pas vraiment commencé sous les meilleurs auspices.
Magdalena Frida Carmen Kahlo est née en 1907 à Coyoacán, dans une maison bleue qui semble flotter entre rêve et terre brûlée.
Sa mère était mexicaine, issue d’une famille de généraux d’origine espagnole et fille de photographe. Son père, Guillermo Kahlo est photographe d’origine juive germano-austro-hongroise. Il modifiera son prénom (à l’origine Carl Wilhelm) à son arrivée au Mexique en 1891 ; où il deviendra le photographe officiel au temps de Porfirio Díaz, mais ruiné par la Révolution, il terminera sa carrière comme simple photographe à Mexico, et c’est lui qui donnera son goût de l’esthétisme à Frida.
La petite Frida, est atteinte à la naissance d’un spina bifida. Elle fut diagnostiquée d’une poliomyélite à l’âge de six ans. Sa jambe droite sera déformée par l’infection, et la mauvaise circulation sanguine qui en résultera provoquera des douleurs chroniques. La maladie la contraint également à l’isolement et retarde sa scolarisation de plusieurs mois.
Ce sont peut-être ces douleurs qui la feront rêver de devenir médecin, ce qui est rare à l’époque pour une femme, et elle réussit plutôt bien au départ.
Mais les aléas de la vie passent par là, et alors qu’elle se trouve dans un bus avec son petit copain, le bus fonce dans un tram. Frida se retrouve embrochée, du vagin à l’abdomen, par une barre de fer.
Son corps, brisé à dix-huit ans dans un accident d’autobus, deviendra le théâtre d’une lutte à la fois physique et spirituelle.
Clouée au lit durant de nombreux mois, elle se peint comme d’autres écrivent un journal intime — sans fard, sans complaisance. Chaque toile, miroir de ses douleurs, se fait autopsie de l’âme : les racines, le sang, les épines, les doubles visages. Rien n’est dissimulé, tout est transfiguré.
Elle déclarera : "Je ne suis pas morte et j’ai une raison de vivre. Cette raison, c’est la peinture."
Elle se tournera ensuite vers l’art, ce qui lui permettra de rencontrer le peintre Diego Rivera, de 21 ans son aîné, avec lequel elle s’installe à Mexico dans un atelier.
Mais Diego est volage et la trompe à tout va. Elle ne tarde pas à en faire de même.
Leur relation demeure compliquée et passionnée, mais lorsque Diego la trompe avec sa soeur, Frida, meurtrie, demande le divorce.
Ils se remarieront quelques années plus tard, ne pouvant vivre l’un sans l’autre.
Aux côtés de Diego Rivera, cet amour tumultueux et monumental, Frida a inventé une mythologie personnelle où le Mexique, ses couleurs, sa terre et ses symboles deviennent des fragments de son identité. Elle s’y dresse fière, coiffée de fleurs, regard clair, frontal, défiant le monde comme on défie le destin.
Durant toutes ces années, le lourd quotidien médical de Frida continue, elle souffre de nombreuses afflictions, et fait de nombreuses fausses couches.
Cet article commence à devenir long et je ne veux pas perdre votre attention, alors je vous invite à consulter la page Wikipedia qui lui est consacrée pour en savoir plus sur ce bout de femme.
Frida Kahlo n’a pas seulement peint sa vie : elle l’a offerte, entière, incandescente, à la mémoire collective. Et dans chaque regard posé sur ses tableaux, elle continue de renaître — immortelle, indomptable, flamboyante.
Je vous conseille également de regarder le sublime biopic qui lui est consacré avec Salma Hayek et qui vous en fera savoir plus ! J’avais également lu Rien N’est Noir de Claire Berest, qui lui est consacré et que je vous conseille.
La phrase qui m’a le plus marquée concernant cette artiste hors norme, et sur laquelle je vous laisse méditer, est :
"J’ai eu deux accidents graves dans ma vie. L’un à cause d’un bus, l’autre ce fut Diego. Diego fut de loin le pire."

