đ Profil : L'Ă©tranger
đ Synopsis
Câest peut-ĂȘtre parce que va sortir trĂšs bientĂŽt une nouvelle adaptation cinĂ©matographique de ce livre que je me dĂ©cide Ă vous en faire un article.
Sâil est un classique contemporain Ă dĂ©couvrir, câest bien celui-ci, "LâĂtranger" dâAlbert Camus, publiĂ© pour la premiĂšre fois en 1942 et tout premier de la tĂ©tralogie "cycle de lâabsurde" (LâĂtranger et lâessai Le Mythe de Sisyphe, puis les piĂšces de théùtre Caligula et Le Malentendu).
đ EpitomĂ©
« Lorsque la sonnerie a de nouveau retenti et que la porte du box sâest ouverte, un silence lourd et oppressant a envahi la salle. Ce silence mâa frappĂ© de plein fouet, accompagnĂ© de cette Ă©trange sensation de voir le jeune journaliste dĂ©tourner les yeux. Un malaise sâest installĂ©, presque imperceptible mais envahissant. Je nâai pas cherchĂ© Marie du regard, ni cherchĂ© Ă la comprendre, car le prĂ©sident, dans une formulation bizarre et dĂ©tachĂ©e, mâa annoncĂ© que ma tĂȘte serait tranchĂ©e en place publique, au nom du peuple français. Les mots quâil prononçait semblaient Ă©trangers, comme sâils nâappartenaient pas Ă ma rĂ©alitĂ©. Ils sâentassaient dans ma tĂȘte, se mĂȘlant en bruits confus, presque indiscernables. Il y avait un dĂ©calage, un flottement Ă©trange entre ce quâil disait et ce que je ressentais Ă cet instant. Une lourde indiffĂ©rence mâenvahissait. Je nâai pas rĂ©agi, ni par indiffĂ©rence ni par peur, mais par une acceptation presque dĂ©tachĂ©e, comme si tout cela Ă©tait une suite inĂ©luctable, un dĂ©nouement attendu. Chaque Ă©vĂ©nement, chaque minute de ma vie semblait mâavoir conduit Ă cet instant prĂ©cis, oĂč le monde, soudainement, me paraissait incroyablement lointain et irrĂ©el. »
đšïž Un mot sur lâauteur
Albert Camus, né le 7 novembre 1913 à Mondovi, en Algérie pendant la période coloniale française. Il est mort par accident le 4 janvier 1960.
Il fut un philosophe, écrivain, journaliste militant, romancier, dramaturge, essayiste et nouvelliste français, lauréat du prix Nobel de littérature en 1957.
LâĂtranger est probablement son roman le plus connu, avec la Peste.
đș Mon avis
Je ne lâai pas lu depuis au moins trois-quatre ans ! Je lâai lu pour la premiĂšre fois lorsque jâavais 16 ans lorsque le meilleur ami de ma soeur mâa prĂȘtĂ© le livre (et oui, je lâai toujours dans ma bibliothĂšque, pour ceux qui savent quâil ne faut jamais me prĂȘter un livre) et je le relis, parfois, parce que je me dis que la maturitĂ© aidant, jây trouverai peut-ĂȘtre des Ă©lĂ©ments que je nâavais pas perçus lors de mes premiĂšres lectures (spoiler alert : non).
Certes, lâĂ©criture est un poil chelou (presque autant que celle de Duras) et surtout, le thĂšme est particulier.
Lâincipit du roman annonce dâailleurs la couleur : "Ce matin, maman est morte. Ou peut-ĂȘtre Ă©tait-ce hier" : si lâon a un minimum dâempathie, on se rend compte dĂšs le dĂ©part que le protagoniste, lui, nâen a aucune. On se demande sâil est capable de faire montre de sentiments et dâĂ©motions.
On dĂ©couvre donc lâhistoire de Meursault, qui est un homme vivant simplement, insensible et dĂ©nuĂ© de toute Ă©motion, que mĂȘme sa propre vie ne semble pas intĂ©resser, ni les embĂ»ches quâil peut traverser (le dĂ©cĂšs de sa mĂšre, le fait quâil assassine un homme, son procĂšs, sa condamnation)
Le hĂ©ros est dĂ©testable, ou Ă tout le moins on a envie de lui secouer en hurlant "mais parle !", on est partagĂ© entre le "tu lâas bien mĂ©ritĂ©", le "mais pourquoi ?" en dĂ©couvrant son histoire.
Le livre est trĂšs vite lu, et son rĂ©sumĂ© qui tient largement en une seule phrase (un individu sans but, assassine un homme, sans lâavoir vraiment voulu mais sans le regretter Ă©galement) aurait pu ne pas donner envie de sây plonger, et pourtant, malgrĂ© cela, cette Ćuvre est devenue un classique, mondialement connue.
Le thĂšme est si particulier quâon a du mal au dĂ©but, Ă poursuivre. Mais lâhistoire est tellement grave, le comportement de Meursault tellement incomprĂ©hensible et baroque, la prose de Camus si rĂ©guliĂšre, Ă©lĂ©gante et Ăąpre quâon ne peut que poursuivre sa lecture. Câest peut ĂȘtre cette sobriĂ©tĂ© et cette simplicitĂ© qui ont fait le succĂšs de ce livre.
Bien Ă©videmment, jâirai voir le film qui sort tout prochainement (surtout avec Benjamin Voisin dans le rĂŽle principal)
đ Citations
âïž Aujourdâhui, maman est morte. Ou peut-ĂȘtre hier, je ne sais pas. Jâai reçu un tĂ©lĂ©gramme de lâasile: "MĂšre dĂ©cĂ©dĂ©e. Enterrement demain. Sentiments distinguĂ©s." Cela ne veut rien dire. CâĂ©tait peut-ĂȘtre hier.
âïž Mais tout le monde sait que la vie ne vaut pas la peine dâĂȘtre vĂ©cue.
âïž Le temps me manquait pour mâintĂ©resser Ă ce qui ne mâintĂ©ressait pas.
âïž Il mâa demandĂ© alors si je nâĂ©tais pas intĂ©ressĂ© par un changement de vie. Jâai rĂ©pondu quâon ne changeait jamais de vie.
âïž On se fait toujours des idĂ©es exagĂ©rĂ©es de ce quâon ne connaĂźt pas.
âïž Alors, je ne sais pas pourquoi, il y a quelque chose qui a crevĂ© en moi. Je me suis mis Ă crier Ă plein gosier et je lâai insultĂ© et je lui ai dit de ne pas prier. Je lâavais pris par le collet de sa soutane. Je dĂ©versais sur lui tout le fond de mon cĆur avec des bondissements mĂȘlĂ©s de joie et de colĂšre. Il avait lâair si certain, nâest-ce pas ? Pourtant, aucune de ses certitudes ne valait un cheveu de femme. Il nâĂ©tait mĂȘme pas sĂ»r dâĂȘtre en vie puisquâil vivait comme un mort. Moi, jâavais lâair dâavoir les mains vides. Mais jâĂ©tais sĂ»r de moi, sĂ»r de tout, plus sĂ»r que lui, sĂ»r de ma vie et de cette mort qui allait venir. Oui, je nâavais que cela. Mais du moins, je tenais cette vĂ©ritĂ© autant quâelle me tenait. Jâavais eu raison, jâavais encore raison, jâavais toujours raison. Jâavais vĂ©cu de telle façon et jâaurais pu vivre de telle autre.
đ RĂ©fĂ©rences
Albert Camus
EAN : 9782070360024
191 pages Gallimard
đ CatĂ©gories
littérature roman classique
đ CrĂ©dits
Babelio Sintetia.com Wikipedia
Il s'agissait de l'Ćuvre dont mon prof de français avait choisi l'Ă©tude pour le bac français, et je me souviens avoir dĂ©vorĂ© le livre. On avait prĂ©parĂ© tous les passages sauf un : le passage de la prison. Mon prof nous avait sorti un truc du genre :
â"Personne ne vous interrogera jamais sur ce passage, Camus fait exprĂšs d'Ă©crire sans figure de style pour montrer que Meursault s'ennuie et n'a d'autre choix que de se rĂ©fugier dans son imaginaire. Une fois qu'on a dit ça on n'a plus rien Ă dire. Passage sans intĂ©rĂȘt."
Et bien sûr, au bac Français, je suis tombé sur un prof qui avait décidé que le passage de la prison était passionnant. Du coup, elle m'a interrogé hors liste, et quand j'ai dit que le style de Camus était volontairement pauvre, ça a donné peu ou prou lieu à ce magnifique échange :
â"Comment osez-vous dire, vous simple lycĂ©en, que Camus Ă©crit mal?"
â"Je ne dis pas qu'il Ă©crit mal de façon gĂ©nĂ©rale, mais que dans ce passage prĂ©cis, il choisit un style littĂ©raire plus limitĂ© par rapport au reste du livre."
-"Impossible, mĂȘme s'il voulait mal Ă©crire, ça resterait bien au dessus de la normale et vous ne verriez pas la diffĂ©rence."
Le reste de l'Ă©change Ă©tait du mĂȘme acabit. Elle a quand mĂȘme fini par un trĂšs subtil "Bon vous ĂȘtes en scientifique, j'espĂšre que vous ĂȘtes bon en math, vous allez avoir des points Ă rattraper lĂ !"
Vous imaginez bien que j'ai particuliÚrement apprécié la rencontre, ainsi que le 06/20 qui en découla. Et du coup, fort injustement pour L'étranger, je n'ai plus jamais retouché au bouquin ^^'
VoilĂ qui donne trĂšs envie de se lancer
