Témoignage anonyme : Ce que je cache derrière mon masque
Jovial, souriant, toujours à l’écoute, réfléchi, sociable...
Voilà souvent les adjectifs qui me reviennent aux oreilles quand j’entends parler de moi. Flatteur à n’en point douter, et pourtant, ce n’est qu’un masque — celui que je porte en société, au travail, en famille. J’ai toujours eu du mal à me reconnaître dans ces propos.
Et ce sont pourtant ces mots-là qui font de moi ce que je suis aujourd’hui, qui font que j’ai trouvé ma place au sein de la société, qui m’ont permis de m’épanouir dans un travail que j’affectionne, où je me sens utile.
En prenant néanmoins du recul, je constate aussi que ce que je suis aujourd’hui est le fruit d’une éducation un peu « à l’ancienne », où le domaine de l’émotion est réservé aux personnages féminins et est refusé aux hommes.
Faire bonne figure en toute circonstance, se montrer capable : un roc inaliénable sur qui l’on peut compter. Un pilier inébranlable sur lequel bâtir les fondations solides de tout projet.
Et pourtant…
Et pourtant, mon éducation (que je combats chaque jour) me pousse à ne rien montrer. Mais combien de nuits n’ai-je pas fermé l’œil ? Combien de jours ai-je passés à me dévaluer devant mon miroir ? Combien de nuits ai-je ressassé une situation où j’ai « fauté », afin de voir ce que j’aurais pu faire différemment, mieux anticiper, corriger et ne plus reproduire l’erreur ?
Mais cela fatigue, le corps comme l’esprit. Tout emmagasiner ainsi fait qu’au bout d’un moment, j’explose. Et alors surgit une tempête émotionnelle violente et implacable, causant des dégâts relationnels, personnels, dévastateurs, blessant involontairement les personnes — sans distinction d’affect — par des mots non réfléchis.
Le masque est tombé plusieurs fois, provoquant de terribles ouragans au sein de mes cercles relationnels. Ouragans que je crains, et dont j’ai découvert que les autres les craignaient tout autant, tant mes mots peuvent venir trancher leurs certitudes et raviver leurs blessures déjà ouvertes.
Des excuses, des discussions, et la recréation d’une nouvelle base de dialogue réglaient toujours la situation — avec logique et compromis.
Malgré cela, ces tempêtes restaient un moyen de défense quand je me sentais exposé ou découvert. Une protection instinctive et bestiale, qui fait que, lorsqu’on est acculé, on réagit avec violence pour se protéger et continuer à cacher ce qui nous a blessés, ou ce que l’on souhaite dissimuler.
Mais je dirais que cela peut être le lot de tous.
Récemment (en 2025), il m’est arrivé un accident de vie important. Le roc a bougé. Le pilier a vacillé. J’ai sombré.
La réalisation du fait que je suis faillible, que — si le corps semblait aller bien — l’esprit, lui, ne l’était plus, m’a obligé à faire tomber le masque. À devoir m’ouvrir et avouer mes failles, mes peurs et mes faiblesses afin de survivre.
Ce fut une épreuve, car rien dans mon éducation ne m’avait préparé à cela — ni à ses conséquences. Les reproches de n’avoir jamais appelé à l’aide, la surprise face aux situations vécues, aux déviances, aux souffrances.
Le regard de pitié et le reproche ont été des épreuves à surmonter, mais il fallait pourtant continuer — malgré la douleur et la honte de devoir se mettre à nu, de montrer les cicatrices de l’âme et du corps, de ce fardeau trop longtemps porté seul. D’un esprit constamment en souffrance.
Aujourd’hui pourtant, les fruits de ce travail de longue haleine commencent à éclore, promettant un avenir meilleur.
La route est encore longue, mais ce n’est pas la destination qui compte : c’est le chemin parcouru, les épreuves traversées, les rechutes endurées, et chaque petite victoire gagnée dans la sueur, le sang et les larmes.
Une certitude demeure aujourd’hui : je ne reviendrai pas en arrière. Les bénéfices que je retire de ce travail sur moi-même sont bien trop importants. J’ai même prévu de me faire aider par un professionnel, car je sais que je ne pourrai pas avancer tout seul tout le temps.
Per angusta, ad astra.
Les mots que vous venez de lire proviennent d’un témoignage anonyme, transmis avec sincérité 🌸
