Perdu·e dans le scroll infini : comment ça me bouffe le cerveau (et peut-être le tien aussi)
C’est devenu automatique : je prends le téléphone, je déverrouille, et je glisse le doigt sur l’écran. Une image, deux vidéos, un article — et soudain je ne sais plus trop depuis combien de temps je suis là, les yeux lourds, le cœur un peu plus tendu. Le fil d’actualité ne s’arrête jamais : c’est une ligne droite vers l’infini, un puits d’attention aspirant chaque seconde. Je ne suis pas seul·e dans ce cas — la science commence à peine à comprendre ce que cela fait vraiment à notre cerveau, à nos émotions, à notre sommeil, et même à notre manière de vivre.
Ce que révèlent les études
1. Dopamine, récompenses variables et renforcement
Le scroll infini fonctionne sur le même mécanisme qui rend les jeux de hasard addictifs : la récompense aléatoire. On clique, on swipe, on ne sait pas ce qu’on va trouver — un contenu utile, drôle, choquant, triste. Cette variabilité stimule la libération de dopamine, le neurotransmetteur associé au plaisir et à la motivation. Chaque fois qu’on tombe sur quelque chose d’intéressant, le cerveau enregistre : « continuer, ça pourrait être encore mieux ».
Mais ce confort est trompeur. Plus on répète, plus le cerveau s’habitue, exige une stimulation plus importante, ou une plus grande fréquence, pour ressentir la même "satisfaction". On entre dans ce qu’on pourrait appeler une petite addiction comportementale.
2. Fatigue cognitive, mémoire, attention
Quand on est en mode scroll infini, le cerveau reçoit un flot d’informations très diversifiées, souvent superficielles. Il faut constamment décider : est-ce que ça vaut la peine de s’arrêter ? Est-ce que je clique ? Est-ce que je m’en souviendrai ? Est-ce que je partage ? Chaque décision, même minuscule, coûte de l’énergie mentale. Sur le long terme, cela épuise la mémoire de travail, diminue la capacité à maintenir son attention sur un sujet pendant longtemps.
3. Sommeil perturbé, conséquences physiques
Le scroll s’invite souvent le soir, parfois tard. Écran lumineux, stimulation visuelle, émotions fortes (voire inquiétantes) — tout cela retarde l’endormissement, réduit la qualité du sommeil. Un travail récent note que chaque heure passée à scroller au lit est associée à presque 60 % de risque supplémentaire d’insomnie.
Le manque de sommeil altère l’humeur, la mémoire, renforce l’anxiété, peut même déboucher sur des symptômes dépressifs. Et physiquement ? Des maux de tête, fatigue oculaire, tension du cou, des épaules, parfois même des troubles digestifs ou une tension plus élevée.
4. Effets émotionnels : anxiété, tristesse, comparaison, sentiment de vide
Le contenu des fils d’actualité est rarement neutre. Entre la peur, la colère, le sensationnalisme, les mauvaises nouvelles, on finit souvent par plonger dans ce qu’on appelle le doomscrolling — le fait de rester scotché à des informations négatives, souvent pour “savoir ce qui se passe”, se sentir informé·e, mais en ressortir plus angoissé·e.
L’effet "comparaison sociale" joue aussi : on voit des vies idéalisées sur Instagram, des réussites mises en scène, des corps transformés, des voyages parfaits. Quand on est fatigué, ce contraste avec notre quotidien peut devenir lourd. On peut ressentir honte, frustration, énervement — ou juste un sentiment de vide, de ne pas être à la hauteur.
5. Développement chez les jeunes & vulnérabilités particulières
Les adolescents et jeunes adultes sont particulièrement exposés : leur cerveau est encore en construction, les fonctions exécutives (gestion de l’attention, contrôle des impulsions) ne sont pas entièrement matures. L’usage excessif des écrans dans cette tranche d’âge est lié à des difficultés scolaires, à une augmentation de l’anxiété sociale, à des troubles de l’humeur.
Ce que ça fait “en vrai” : mes dérives, mes moments de doute
Je me souviens d’un soir où je voulais juste "voir le feed", histoire de me détendre après une journée stressante. Je commence, je vois un post drôle, puis un article sur une catastrophe, puis des comparaisons avec des gens au succès fou… Et 45 minutes passent. Mon regard flou, l’esprit agité — je me couche, je pense encore à ce que j’ai vu, au monde, aux autres. Le sommeil tarde à venir, je me réveille fatigué, le cœur un peu lourd. Le pire : je sais que ça va recommencer demain.
Parfois, c’est le matin : je prends mon téléphone aussitôt que je me réveille, avant même d’avoir bu mon café. Et ça continue, jusqu’à ce que j’ai l’impression que le monde extérieur — ce qui est réel — est juste un décor derrière une vitre d’écran. J’ai perdu des moments : un moment de silence, un moment d’observation, un moment de conversation profonde.
Je remarque que quand je suis très fatigué·e, ces moments de scroll sont encore plus toxiques : je suis plus facilement irrité·e, j’ai l’impression que tout le contenu me "branche" sur le négatif — une mauvaise nouvelle, une info inquiétante, une comparaison qui pique. Mon cerveau est prêt à mordre sur le moindre "clic". Et souvent je clique.
Pourquoi il est si difficile de décrocher
Plusieurs facteurs rendent le scroll infini particulièrement “piégeux” :
- Design intentionnel des plateformes : les algorithmes favorisent l’engagement, donc ce qui attire l’attention (négatif, choquant, sensationnel) est mis en avant. Le scroll infini évite les "points de fin" clairs.
- Manque de friction : pas de bouton “fin de page”, pas de pause — le flux continue.
- Émotions et peur de rater quelque chose : en période incertaine, rester informé peut sembler rassurant, mais alimente l’anxiété.
- Fatigue mentale : après une journée chargée, le contrôle de l’attention est plus faible, la résistance moindre.
Comment reprendre la main : pistes concrètes
Stratégie | Ce que cela change / pourquoi ça aide | Comment la mettre en place |
---|---|---|
Fixer des limites horaires | Protège le sommeil, réduit l’overdose informationnelle. | Mettre des alarmes, activer le “bien-être numérique”, définir des plages “sans écran”. |
Créer des frictions | Ralentit le geste automatique, permet de réévaluer. | Supprimer les apps de l’écran d’accueil, activer “ne pas déranger”. |
Choisir ce que l’on consomme | Minimiser les contenus négatifs, privilégier ceux qui nourrissent. | Se désabonner des fils anxiogènes, suivre des comptes positifs. |
Moments sans écran | Redonne de la respiration au cerveau. | Lire, marcher, cuisiner, méditer, discuter. |
Hygiène du sommeil | Le repos restaure et régule l’humeur. | Pas d’écran 30-60 minutes avant le coucher, téléphone hors chambre. |
Mindfulness | Observer le geste, rompre la boucle. | Remarquer ce que je ressens en scrollant, respirer, faire autre chose. |
Ce que je fais maintenant
Pour ma part, j’ai décidé de mettre en place une "digue" autour du scroll :
- Plus d’écran de téléphone au moins 30 minutes avant d’aller me coucher.
- Notifications réduites au strict minimum.
- Une journée “off numérique” par semaine (généralement le mercredi, parce que je n’ai pas le temps).
- Un carnet pour noter ce qui me nourrit plutôt que de laisser tout filer, et chatgpt quand je n’ai pas le carnet sous la main.
Je ne dis pas que c’est facile : parfois je craque. Mais à chaque fois que j’arrive à couper, je sens la différence — plus de calme, plus de repos, plus d’espace mental.
Les limites de la recherche
- Les études sont souvent corrélationnelles : difficile de prouver un lien de causalité direct.
- Les effets varient selon les personnes : âge, santé mentale, contexte de vie.
- Les plateformes évoluent, parfois ajoutent des outils de modération — mais rarement obligatoires.
- Le scroll peut aussi avoir des aspects positifs : découverte, information, lien social. La question est l’équilibre.
Scroller à l’infini, ce n’est pas juste un vice moderne, c’est un terrain où notre cerveau est mis à rude épreuve. Au début, on croit maîtriser, mais souvent c’est le flux qui nous maîtrise. Il vole du temps, de l’énergie, parfois du sommeil.
La bonne nouvelle, c’est qu’on peut choisir de reprendre la main. Avec quelques habitudes simples, un peu de conscience, on peut transformer l’écran en outil — et non en gouffre.
Article fondé sur : « Comment scroller à l’infini affecte votre cerveau », National Geographic (15 septembre 2025), avec compléments de sources scientifiques et réflexions personnelles.
Et comme je suis du genre à rapidement perdre l'attention, ça peut totalement me foutre en l'air ma journée. Je ne compte plus le nombre de fois où en bossant sur un dossier important, je prends mon téléphone pour faire une pause quelques minutes avec un café... et que je passe plus de 2 h (voire plus !) à regarder des trucs inutiles ! Et finir avec un café froid bien évidemment 😆 C'est fatiguant.
Disponible :)
fichtre.
Aussi, il y a une chose qu'on peut faire (je toruve que c'est survolé dans l'article) c'est devenir décideur de nos algo. Sortons tout de suite le gros mots "Tik Tok" quand j'en parle, j'entends plein d'a priori, mon algo ne me crache que des cours de japonais, des destinations voyages pour des projets a moyen termes et de la renovation de maison ancienne.
Il tente bien de temps en temps de me mettre des "merdes", bouton "je ne suis pas interessé", ça fait du bien de choisir comme si on zappait de chaine, comme si on quittait une chaine yt en somme.
Bel article 😁
Selon mes dernières recherches j’ai un feed qui étrangement correspond à cela (surveillance)
Les short deviennent un automatisme (si tel aux toilettes par exemple)
Ça ou des petits jeux 😂
Après, à une époque c’était les BD
Je ne sais pas ce qui est le mieux
J’en dévorais bcp jeune…
Chaque génération a ses limites à poser 🤷♀️