Témoignage anonyme - "Le courage, ma chérie, c’est de dépasser ses peurs."
Tous les jours, je lui sers ma soupe tiède de développement personnel : "Le courage, ma chérie, c’est de dépasser ses peurs." Et elle m’écoute, les yeux ronds, comme si j’étais Bouddha sous Lexomil. Puis elle hurle. Parce qu’il y a une araignée de la taille d’un ongle, ou parce que le dentifrice a changé de goût. Des vraies terreurs, hein. Des trucs graves. Genre crème solaire sur la main gauche. Et je respire. Je serre les fesses et les poings. Je me dis que c’est normal. Qu’elle est sensible. Qu’elle a besoin d’aide. Mais à l’intérieur, j’ai envie de fracasser le tube de Colgate sur le miroir
Ce qu’elle ne craint pas, c’est moi. Peut-être que c’est ça le problème. Parce que je suis en train de devenir dangereuse. Pas physiquement (pas encore), mais mentalement, oui. Je commence à haïr cette partie d’elle qui me bouffe vivante à coups de “j’ai peur” pour tout, sauf de moi. Moi, la daronne du bord du gouffre, celle qui sourit avec les dents et pense avec la gorge.
J’ai peur de la perdre, ouais. Qu’elle devienne une statistique triste. Un “elle était fragile”, suivi d’un silence gêné. Mais j’ai aussi peur de moi. De ce que je suis en train de devenir. Une brute polie. Une bombe affective. Une mère en mode veille permanente, prête à disjoncter à la moindre goutte de gel hydroalcoolique mal posée.
Parce que oui : je rêve parfois de balancer son jeu préféré par la fenêtre. De crier si fort que ça lui ferait un électrochoc. De la secouer. De lui dire "TA PEUR M’ENFERME AUSSI". Mais je me tais. Je serre les mâchoires jusqu’à ce que ça craque.
Et le pire ? C’est que je la comprends. Je comprends sa terreur. Je suis foutue pareille, juste avec plus de vernis, plus de tenue, et des cicatrices bien rangées sous la peau. Moi aussi j’ai peur. Mais on m’a appris à la bouffer. À l’avaler comme du poison. À devenir violente plutôt que vulnérable. Et ça a marché. Je suis là. Une survivante. Un débris fonctionnel.
Alors je fais quoi maintenant ? Je continue de lui mentir avec mes phrases creuses ? Je joue les mères aimantes à la voix douce alors que j’ai des ouragans dans le ventre ? Ou je claque la vérité sur la table, brutalement, comme on jette un verre au sol en hurlant : “J’ai PEUR moi aussi, bordel, mais j’en ai marre d’être douce quand j’ai envie de tout cramer.”
Les mots que vous venez de lire proviennent d’un témoignage anonyme, transmis avec sincérité 🌸
