Souvenir d’un jour de manif

Un petit clin d’œil à l’actualité en France

En ce début septembre 2025, l’actualité en France m’a donné envie de vous partager ce texte écrit il y a un an.

"J’entends des explosions au loin. Je poursuis mon chemin sans me presser. Soudain, au détour d’une rue surgissent une vingtaine de camions de CRS vides. Ils sont sortis, ils attendent. Ils attendent qui, me direz-vous ? Et bien, les auteurs des chants que j’entends au loin.

Finalement, je m’assois à la terrasse d’une boulangerie. Je vois les passants vaquer à leurs occupations, le long de l’artère principale fermée à la circulation automobile. Il règne ici comme un calme étrange, un silence relatif. Je lève de nouveau les yeux vers les passants. Et voilà qu’une vingtaine de membres des forces de l’ordre, équipés comme des Robocop, sont maintenant en place.

Les premiers manifestants arrivent. En tête de cortège, des photographes, des militants, certains équipés de masques à gaz. D’autres le visage dissimulé se mêlent à la foule bigarrée. Des drapeaux rouges, des drapeaux noirs, des grésillements dans les mégaphones, une playlist éculée, grande sœur de toutes les manifestations dans cette ville.

Des utilitaires couverts de drapeaux colorés qui avancent au rythme de la foule. Porte arrière grande ouverte sur un bar improvisé à l’arrière de l’engin. Des militants en chasuble aux couleurs de leur syndicat vendent du vin rouge, du vin blanc, parfois des sandwichs à prix militants. Les habitués de ces bars mobiles les suivent de près en prenant soin de ne pas s’éloigner d’un pas de la source du breuvage qui rougit leur visage.

« Una matina... Bella ciao... ». Je scrute les visages, beaucoup me semblent familiers. C’est le monde militant qui s’est donné rendez-vous ce matin. Ont-ils convaincu les passants de les rejoindre ? Certains d’entre eux interrompront-ils leurs pas pour se joindre à la foule qui défile ?

Sortie des classes. Le cortège approche. Des mères tenant leurs enfants par la main avancent à pas prudents vers l’avenue principale. Elles observent, à gauche, à droite, rien. En face, des CRS armés. Elles se décident, se lancent. Ce sera à droite finalement. Souhaitons-leur de rentrer chez elles sans que leurs enfants ne se retrouvent dans un nuage de lacrymogène. Nuage souvent utilisé ici, contre ces mêmes enfants qui ont grandi et sont révoltés contre l’injustice de ce monde. Ou peut-être sont-ils en colère contre la vacuité de leur existence, qui sait ?

J’entends au loin « le char Brigitte » (j’ai ici volontairement changé le prénom, sinon plus d’un lecteur l’aurait reconnue). Elle, c’est une intermittente du spectacle que l’on entend à chaque manifestation. Debout sur la plateforme de l’utilitaire aux couleurs éclatantes de son syndicat, elle déclame sans discontinuer des textes révolutionnaires d’une voix criarde. Folie ou talent ? La question est ouverte. Il y a ce gars aussi, plutôt âgé, grande chevelure, bouc blanc immuable, militant de tous les instants. Ici, tout le monde l’a déjà vu. Mobilisé sur toutes les luttes ou concentré sur ses paris au PMU. Les élus sont là aussi, enfin, celles et ceux qui n’ont pas peur de brandir un drapeau. J’ai déjà essayé, c’est beaucoup plus lourd qu’un stylo. Je comprends que la transition soit douloureuse pour le poignet de certains élus de la République.

Les premières pluies commencent à tomber dans l’indifférence générale. Et pourtant après une vague de chaleur intense et de sécheresse généralisée, ce sont les premières gouttes qui tombent sur la ville. Elles s’accumulent, se rassemblent et roulent ensemble avant de s’engouffrer massivement dans les égouts urbains.

Je me lève et reprends mon chemin."