Starship Troopers de Paul Verhoeven
Il y a des films qui ne vieillissent pas. Et puis il y a Starship Troopers, qui est un tel ovni qu’on ne saurait même pas dire s’il est sujet au vieillissement ou non.
Sorti en 1997, Starship Troopers est un film culte, une adaptation assez libre (voire parodique) du roman éponyme de Robert A. Heinlein, un livre largement perçu comme une ode au militarisme et la guerre, voire l’impérialisme et le fascisme.
Le film est pourtant né bien loin du roman. C’est même un scénario d’Edward Neumeier (que l’on retrouve derrière le scénario de Robocop), intitulé “Bug hunt at Outpost nine”. Le projet prend forme, est proposé aux studios Sony qui acceptent à condition que le film s’appelle Starship Troopers, puisqu’ils ont les droits du livre et le scénario est proche.
Verhoeven n’a jamais caché qu’il n’avait aucun intérêt pour le livre, qu’il n’a pas lu, il a même dit : ”J’ai arrêté après deux chapitres tellement c’était chiant. C’est vraiment un mauvais livre. J’ai demandé à Ed Neumeier de me raconter l’histoire parce que vraiment je ne pouvais pas lire ce truc.”.
Paul Verhoeven, qui a grandi dans la Hollande occupée par les nazis, a donc souhaité avec ce film mettre un gros doigt sale dans l’oeil de l’Amérique triomphante et montrer que la guerre fait de nous des fascistes. Et il s’est dit que la satire politique, ça passait mieux avec du sang, des dents, et Denise Richards qui pilote des navettes spatiales comme si elle passait le permis B.
Lors de sa sortie, peu de monde a perçu l’ironie mordante du film, pas même les studios Sony dont on se demande comment ils ont pu laisser passer ça sans réagir, mais c’est pour notre plus grand bonheur !
Tu crois regarder un blockbuster de SF ? Tu regardes en fait une pub pour la dictature tournée avec humour et ironie. Et ça, il fallait oser.
Le pitch (avec dedans des vrais morceaux d’insectes géants)
Dans un futur peut-être pas si lointain, la Terre est dirigée par une Fédération militaro-totalitaire, un régime ultranationaliste propre sur lui, façon pub Apple version 4ème Reich. Dans cette fédération, les droits citoyens s’obtiennent en allant mourir joyeusement pour la patrie. Seuls ceux ayant effectué leur service militaire peuvent prétendre au droit de vote ou à l’autorisation de procréer (oui oui).
On y retrouve Johnny Rico, 19 ans, ado à la mâchoire carrée et au physique en plastique moulé sur un catalogue Calvin Klein, cerveau en option, qui décide de s’engager pour suivre sa copine pilote, Carmen (Denise Richards et son sourire Colgate prêt à décoller). Sauf que... surprise ! C’est la guerre. Contre des insectes de l’espace. Plein. Des gros, des blindés, des cracheurs d’acide ou de feu. Des trucs à huit pattes que certains ont déjà horreur de croiser dans leur salle de bains (moi je les adore mais bon), alors imaginez-les de la taille d’un tramway.
Et c’est là que Verhoeven sort sa sulfateuse métaphorique.
Une propagande trop bien faite ?
Ce qui est frappant dès que l’on commence le film, c’est le ton volontairement absurde. Le style est volontairement kitch, à tel point que cela aurait pu être un film de série Z, mais c’est tellement bien maîtrisé que le film en devient une oeuvre magistrale.
Le film est une grande propagande, ou plutôt une publicité. Littéralement. Des fausses pubs s’enchaînent dans le film, avec le slogan éternel "Would you like to know more?" (Voulez-vous en savoir plus ?), mais aussi des pubs pour s’engager dans la glorieuse armée, ou comment aider à l’effort de guerre (en formant les enfants à écraser les insectes...).
C’est brillant, malsain et hilarant. Et parfois, on ne sait plus si on rit jaune ou si on a juste avalé de travers notre pop-corn aux hormones.
C’est toute la force de Starship Troopers : te faire aimer un univers totalement flippant, en te servant une soupe militariste avec des paillettes de teen soap et une louche de tripes d’insectes bien saignantes.
C’est aussi le génie de Verhoeven, puisque le gars te balance de la propagande façon clip de l’armée US réalisé par un stagiaire sous acide, puis te regarde droit dans les yeux et te demande : "Alors ? T’as kiffé hein ? T’as pas vu que t’étais le méchant ?"
Les soldats ne pensent pas, ils obéissent.
Côté casting ? Une armée de mannequins. On a par moments l’impression que le film a été casté dans les pages d’un catalogue de sous-vêtements militaires.
Casper Van Dien (Johnny Rico) incarne à la perfection le héros vide, un peu idiot mais toujours volontaire. Denise Richards joue la pilote qui sourit même quand ses potes se font vaporiser. Et Dina Meyer (Dizzy), seule avec un soupçon de charisme, est envoyée droit dans le mur parce que... ben parce que c’est le système.
Et ça marche. Parce que leur superficialité EST le propos. Ils sont des pions, des images, des slogans ambulants. Et nous, spectateurs, on est pris au piège : on veut qu’ils gagnent, alors qu’on devrait avoir envie qu’ils fassent tous une formation en désobéissance civile.
Les arachnides ? Les seuls personnages qui n’ont pas de discours creux.
Les Arachnides, les fameux ennemis, sont de loin les plus cohérents du film. Ils ne parlent pas, ils ne mentent pas, ils n’ont pas de pub, pas de politique, pas de grand discours. Ils attaquent, ils se défendent, ils sont immenses, flippants, dégoûtants, et parfois presque plus crédibles que leurs adversaires humains.
Pour moi, ce sont eux les véritables stars du film !
Mention spéciale au Cerveau, cette créature à mi-chemin entre une huître géante et une crevette dépressive, qui aspire littéralement les cerveaux. Un détail symbolique parfaitement assumé : dans ce monde, penser est un danger.
Verhoeven : “T’as compris ou pas ?”
Paul Verhoeven n’a jamais été du genre à faire dans la subtilité ni dans les demi-mesures. Mais avec Starship Troopers, il pousse le bouchon très, très loin.
Il met en scène une dystopie militaire ultra-violente, sans jamais te dire clairement que c’en est une. Il fait semblant d’adorer ce qu’il déteste, et il le fait tellement bien que certains spectateurs ne captent pas la blague.
Et c’est là le coup de maître. On peut très facilement regarder ce film comme un excellent film d’action et de science-fiction, avec une excellente bande son, des acteurs cool et qui font le taff, on peut aussi lire entre les lignes et saisir le propos de Verhoeven.
Il laisse les cerveaux non-aspirés tirer leurs propres conclusions. Les autres, eh bien, ils peuvent toujours s’engager.
Anecdote
Une scène a pu faire réagir quelques personnes, celle d’une douche collective où les apprentis soldats prennent une douche ensemble, hommes et femmes mélangés, pendant qu’ils discutent sur leurs projets de vie et leurs envies. Verhoeven voulait “exprimer l’idée que ces individus prétendument élevés n’ont pas de libido. Ils se parlent de la guerre et de leur carrière sans se regarder. Cela suggère qu’ils sont fascistes”.
Mais comment faire accepter aux acteurs de tourner totalement nus, surtout dans un pays où le moindre bout de poitrine à l’écran crée un scandale ? L’actrice Dina Meyer a alors proposé un compromis à Verheoven : s’il voulait voir les acteurs nus, il devait donner l’exemple. Verhoeven et son directeur de la photographie se sont alors mis nus, tout le monde a ri, et la scène fut tournée sans problème.
En conclusion ? J’adore ce film !
Je l’adore parce qu’il est absurde.
Parce qu’il me fait rire, grimacer, réfléchir et applaudir à contresens.
Parce qu’il me pousse à hurler "c’est débile !"... tout en me montrant que ce qui est débile, c’est le monde qu’il caricature — et qui ressemble de plus en plus au nôtre. Alors oui, j’en veux plus.
I want to know more!
Mais peut-être pas en m’engageant dans la Mobile Infantry.
Pour finir, un petit hommage :

À Neil Patrick Harris, en mode Gestapo-psychique avec un look goth-punk. (si là on n’a pas compris qu’il décrit le fascisme...)

À Michael Ironside, toujours parfait dans ses rôles de gros dur.
Et aux effets spéciaux : oui, c’est de la CGI de 1997, mais franchement, les bugs font encore le taff, et je préfère ces effets à ceux des films Marvel récents et modernes.
Alors voilà, si un jour quelqu’un vous dit que Starship Troopers est un nanar débile... Dites-lui d’aller s’engager dans l’infanterie mobile.
Do you want to know more?
largement sous coté d'ailleurs comme film.
Les suites sont par contre on ne peux plus passable
Ca sonnerait creux si la caricature n'était pas aussi impeccable.
J'avais adoré.
Quand j'ai vu le jeu en 2005, j'ai pas hésité une seconde. Oh. My. G... Ord. Sensations garanties !
(D'ailleurs, il en ont fait une suite 2024 qui m'a bien tenté, mais comme je ne joue plus...)
(et on en retrouve bien l'influence dans le jeu Helldiver)
J'ai adoré le style tiré vers l'horreur du 2.
Le 3 j'ai aimer le début mais pas le reste.... Surtout les images de synthèses dégueulasse à la fin.
Je ne dirais rien sur les suites en animations.
J'avais fait une série d'article pour "CIN" à l'époque.