Témoignage anonyme : "Ma relation au corps"
Pour ma relation au corps, voici ma prose ;p
Je suis née en morceaux.
On a rafistolé ce qu’on pouvait, couvert le reste d’un tatouage. Une petite fille façon Sarah Kay, sage et désuète, pour masquer la déchirure d’un corps opéré avant même de savoir parler.
Le chirurgien a raté son œuvre, mais mes parents ont préféré appeler ça « de la chance ». Alors j’ai marché de travers, vécu de travers, toujours avec le sourire attendu des miraculées.
À dix ans, on a scié mes os dans trois directions différentes. On m’a laissée avec une hanche de 75 ans dans un corps qui en avait vingt, puis trente, puis quarante-cinq. Je suis devenue experte en douleur chronique, tendinites, insensibilité, recoins brûlants. J’ai appris le silence du corps, à écouter ses murmures et ses hurlements.
Puis je me suis tatouée. Chaque encre une balise : papillon pour la métamorphose, étoile pour les nuits où je ne voulais plus revenir, les Aristochats pour ma tribu, et la sirène aux tiroirs, pour ce corps devenu meuble.
Instrumentalisé. Classé. Silencieux.
Quand j’ai écrit « je suis un vase fendu qu’on a recollé avec des attentes », cinq personnes m’ont appelée. Ce n’était pas de la tendresse, c’était de l’alerte.
Je crois qu’elles m’aiment, mais l’inquiétude est un compliment trop lourd à porter quand on a déjà du mal à rester debout.
Aujourd’hui, je ne demande pas pardon à mon corps. Je lui rends juste ce qu’il mérite : le droit d’exister, avec ses cicatrices et ses tatouages, avec ses douleurs et ses balises.
Debout, enfin. À ma façon.
Les mots que vous venez de lire proviennent d’un témoignage anonyme, transmis avec sincérité 🌸
