Le jeu en thérapie : un outil universel, de l’enfance à l’âge adulte
Quand on parle de thérapie, on pense souvent aux mots. Aux confidences, aux émotions exprimées verbalement, aux interprétations. Pourtant, tout le monde n’est pas prêt à parler. Certains ne trouvent pas les mots, d’autres ne les supportent pas, d’autres encore ne les comprennent pas. C’est là qu’entre en scène le jeu.
Qu’il s’agisse d’un enfant, d’un adolescent ou d’un adulte, le jeu n’est jamais anodin : il devient une porte d’accès à l’inconscient, une scène où l’on peut rejouer, expérimenter, transformer.
1. Le jeu chez l’enfant : parler sans parler
Chez l’enfant, le jeu est un langage. Avant même de savoir expliquer ce qu’il ressent, il le met en scène à travers ses jouets. Le thérapeute, plutôt que de lui demander directement « comment tu te sens ? », lui propose d’installer ses figurines, ses peluches ou ses personnages.
- Un petit garçon qui fait tomber sans cesse ses Playmobil d’un immeuble exprime parfois une peur de perdre ses proches.
- Une fillette qui place tous ses animaux dans un coin de la boîte peut traduire un besoin de sécurité ou une crainte d’abandon.
Le jeu permet aussi d’aborder des événements traumatiques de manière détournée. Un enfant qui a vécu un accident peut reproduire la scène en Playmobil, mais cette fois-ci il contrôle ce qui se passe : il répare, il sauve, il modifie l’issue. Le jeu devient alors un espace de réparation psychique où il retrouve un pouvoir qu’il avait perdu dans la réalité.
Enfin, le jeu de société peut être utilisé pour travailler des compétences :
- Zenda maître zen pour apprendre à respirer et gérer l’anxiété.
- La planète des émotions pour reconnaître ce que l’on ressent et mettre des mots dessus.
2. Le jeu chez l’adolescent : détourner la résistance
L’adolescent n’est plus un enfant, mais il n’est pas encore un adulte. Il refuse parfois les jouets "trop puérils", mais il se ferme tout autant à l’idée de parler frontalement. Le jeu devient alors un allié discret.
- Avec un jeu de rôle, un ado timide peut incarner un personnage courageux et dire à travers lui ce qu’il n’oserait pas exprimer pour lui-même.
- Des cartes projectives (par exemple Dis ta vie ou des cartes métaphoriques) l’aident à parler de son vécu en choisissant une image ou une phrase qui "colle" avec son ressenti.
- Certains jeux de société modernes, comme Impro social, permettent de travailler l’estime de soi et les compétences relationnelles de manière ludique.
Imaginons un adolescent en retrait social. Si on lui demande : « Pourquoi tu n’as pas d’amis ? » il risque de se fermer. Mais si, à travers une carte, il choisit une image qui représente la solitude, il peut plus facilement parler de ce qu’il vit. Le jeu offre un tiers médiateur qui met de la distance avec la réalité tout en permettant de l’aborder.
Chez l’ado, le jeu est un détour stratégique : il fait tomber les résistances, il permet de contourner la pudeur, il donne une légitimité à ce qui se dit sans passer par un discours frontal.
3. Le jeu chez l’adulte : retrouver la liberté d’exprimer autrement
Chez l’adulte, le jeu surprend. Beaucoup pensent : « Je ne suis pas là pour m’amuser. » Pourtant, c’est précisément parce qu’ils se prennent très au sérieux que le jeu devient thérapeutique.
- Les jeux d’improvisation théâtrale permettent de travailler la spontanéité, la confiance en soi, l’assertivité.
- Les cartes de ressources aident à trouver en soi des forces insoupçonnées et à revaloriser l’estime de soi.
- Le jeu peut aussi réveiller la "part d’enfant" oubliée : rire, oser, s’autoriser à être imparfait.
Un exemple concret : une patiente anxieuse qui vit dans le contrôle permanent peut être invitée à participer à un petit jeu de rôle improvisé. En acceptant de se tromper volontairement, de rire d’elle-même, elle découvre une autre manière d’exister, moins prisonnière de son perfectionnisme.
Un autre exemple : un adulte en burn-out, fatigué de tout intellectualiser, peut être invité à choisir une carte métaphorique qui représente son état. Là où les mots échouent, l’image parle d’elle-même. Le jeu devient un outil d’accès direct aux émotions, court-circuitant les défenses rationnelles.
Un outil qui traverse les âges
Que l’on ait 6 ans, 15 ans ou 40 ans, le jeu reste une expérience humaine fondamentale. Il n’est pas réservé aux enfants, ni synonyme d’infantilisation. En thérapie, il permet de :
- symboliser l’indicible,
- explorer d’autres manières d’être,
- transformer ses représentations.
Le jeu est une scène miniature où le patient rejoue sa vie… mais cette fois, avec un thérapeute qui l’accompagne, il peut en changer le scénario.
