Vous avez commandé une pinte et reçu un 40 cl ?

Félicitations, vous venez d’entrer dans le club des pigeons sympathiques. C’est le club de celles et ceux qui payent 8 à 10 € pour un verre généreusement étiqueté "pinte", mais qui a été raccourci de 20 % en douce.

Comme si on n’allait pas s’en rendre compte entre deux gorgées !

Ce n’est pas un accident. Ce n’est pas une erreur. C’est une stratégie. Et elle est en train de normaliser la supercherie dans une indifférence presque totale.

Une pinte, c’est combien déjà ?

Petit rappel avant de se faire rouler une nouvelle fois :

Pays	Pinte réelle
GB	568 ml (pinte impériale)
USA	473 ml (pinte US)
France	500 ml (par usage courant)
Belgique	une "pinte" = 250 ml, un "demi" = 500 ml
Allemagne	ça dépend du style ou de la région

En France, la pinte c’est 50 cl. C’est comme ça qu’on l’a toujours connue. C’est ce qu’on est en droit d’attendre si rien d’autre n’est précisé. C’est aussi ce qu’indique la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, pour les intimes). Mais ça, beaucoup de bars et festivals s’en foutent royalement.

Le 40 cl s’installe. En douce.

Plus de 50 cl, mais 40 ou 42 cl, parfois moins. Des verres design, bombés, sans marquage. Des gobelets plastiques qui camouflent tout. Et sur la carte ? Toujours écrit “pinte”. Le client lambda ne bronche pas. Il fait confiance. Il paie.

Et pendant ce temps, la caisse se remplit.

Pourquoi s’embêter à hausser les prix, quand on peut juste baisser la dose et appeler ça pareil ? C’est de la shrinkflation, version mousse.

Les excuses en mousse

Voici le florilège des justifications qu’on nous sert pour faire passer la pilule tiède :

• "C’est la pinte US..." → ah oui ? Alors dites-le. Et servez-la à 4 $ comme là-bas.
• "Les verres de 50 cl, c’est trop encombrant" → vous parlez d’un bar ou d’un aquarium ?
• "C’est pour limiter l’alcool..." → mais en gardant le même prix ? Éthique à géométrie variable.
• "C’est la bière qui compte, pas le volume" → bien sûr, et ma main dans ta face, ça compte ?
• Histoire vécue : "C’est depuis le guerre en Ukraine, les fabricants n’arrivent plus à fournir des verres en 50cl alors on a été obligés de se rabattre sur ceux en 40 cl." → Tu peux me la refaire sans trembler des genoux celle-là ???

Non.

C’est une arnaque organisée avec le sourire, déguisée en nouvelle norme. Et le pire, c’est que ça marche.

Faites le calcul : on se fait avoir

Prenons un exemple simple, aujourd’hui les pintes ont tendance à être vendues (en France) à 9 euros. Déjà ça, c’est une honte, mais bon.

• Une vraie pinte (50 cl) à 9 € → 18 €/litre
• Une fausse pinte (40 cl) à 9 € → 22,50 €/litre

22 % d’augmentation discrète. Aucun vote. Aucun débat. Juste un petit coup de rabot bien planqué dans la mousse.

Et pendant ce temps, nos voisins font ça bien

En Allemagne, la bière est calibrée. 0,3 L, 0,5 L, 1 L. Les verres sont marqués, respectés, et on ne s’amuse pas avec.

En Belgique, chaque bière a son verre. On respecte le produit, la tradition, et le client.

Au Royaume-Uni, la pinte est réglementée à 568 ml. Servir moins ? C’est risquer une amende.

Et en France ? On vous vend 40 cl sous l’étiquette “pinte” et on vous regarde droit dans les yeux en souriant. Parce qu’il n’y a pas de loi claire, juste des “usages”. Et des marges à faire.

Alors on fait quoi ?

Si vous servez 40 cl, indiquez-le noir sur blanc.

Si vous servez 50 cl, valorisez-le fièrement : c’est devenu rare.

Si vous êtes client, osez poser la question. Demandez combien fait la "pinte". Regardez le verre. Comparez.

Car si personne ne râle, la "pinte" à 35 cl, c’est pour demain.

Morale de l’histoire

Ce n’est pas une guerre sainte pour 10 centilitres. C’est un combat contre la banalisation de l’entourloupe. Contre l’idée qu’on peut réduire les choses, les mots, les volumes... et que ça passera.

Alors oui, râler pour une pinte, ça peut paraître futile.

Mais la bière, c’est du sérieux. Et la confiance, ça se mesure. En litres, parfois.