Les troubles de la personnalité : entre névroses et psychoses

Un article de Fantomas-2
Publié le 11/08/2025
Dans la section #Psychologie
Article public d'intéret général
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Conforme ou séditieux?

Comprendre ces fonctionnements durables qui façonnent notre manière d’être au monde

Il y a les émotions passagères, les périodes difficiles, les vulnérabilités. Et puis il y a des manières d’être, des façons de fonctionner tellement intégrées qu’elles semblent constituer l’identité elle-même.

Les troubles de la personnalité appartiennent à cette seconde catégorie. Ils ne sont ni de simples traits de caractère, ni des maladies au sens strict. Ils relèvent d’une organisation durable, rigide et souvent douloureuse de la personnalité.

Un entre-deux complexe, entre névrose (où la réalité est préservée) et psychose (où elle peut vaciller).

🧠 Qu’est-ce qu’un trouble de la personnalité ?

Selon le DSM-5 (le manuel diagnostique de référence en psychiatrie), un trouble de la personnalité se caractérise par :

  • un mode durable de relation à soi-même, aux autres et au monde,
  • qui débute à l’adolescence ou au début de l’âge adulte,
  • qui est rigide, c’est-à-dire qu’il ne varie pas selon les contextes,
  • et qui entraîne une souffrance importante ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou affectif.

Ces troubles ne sont pas des "crises" ponctuelles. Ils sont structurants, ils touchent la base même de l’identité, et s’inscrivent dans la durée.

🧭 Entre névrose et psychose : une frontière mouvante

Les troubles de la personnalité ne relèvent ni de la névrose classique, où les mécanismes de défense sont plus élaborés, ni de la psychose, où la perception de la réalité est altérée (délires, hallucinations…).

Mais ils peuvent flirter avec l’un ou l’autre, selon les situations :

  • Certaines personnalités (comme la personnalité paranoïaque ou schizotypique) peuvent glisser vers des états délirants en période de stress.

  • D’autres, comme la personnalité borderline, oscillent entre hypercontrôle et perte de contact émotionnel, créant une instabilité de l’image de soi digne d’un état limite.

📦 Une souffrance parfois invisible… mais bien réelle

Contrairement aux troubles de l’humeur ou aux troubles anxieux, les troubles de la personnalité sont souvent méconnus, voire banalisés.

Et pourtant :

  • ils impactent lourdement la vie relationnelle,
  • ils créent des mécanismes répétitifs, souvent toxiques ou autodestructeurs,
  • ils engendrent des conflits internes chroniques, comme si la personne était en lutte contre elle-même,
  • ils peuvent épuiser l’entourage, tout en laissant la personne profondément seule.

🧩 Les trois grands groupes de troubles de la personnalité (DSM-5)

Le DSM-5 les répartit en trois clusters (ou groupes), en fonction de traits dominants.

🔹 Groupe A : les personnalités "bizarres" ou excentriques

Ce sont des personnes souvent isolées socialement, avec une pensée ou un comportement perçus comme étranges.

  • Personnalité paranoïaque : méfiance excessive, hypersensibilité, interprétations erronées, rancune tenace.
    Exemple : un collègue qui voit dans chaque remarque une tentative de dévalorisation, et qui coupe les ponts dès qu’il se sent “trahi”.

  • Personnalité schizoïde : détachement émotionnel, indifférence aux relations sociales, monde intérieur riche mais non partagé.
    Exemple : une personne qui vit seule depuis des années, sans souffrir d’isolement, mais sans créer de lien affectif non plus.

  • Personnalité schizotypique : excentricité, croyances étranges (télépathie, messages cachés), anxiété sociale intense.
    Exemple : une personne qui pense que certaines pubs à la radio lui sont “adressées personnellement” mais qui reste fonctionnelle au quotidien.

🔸 Groupe B : les personnalités "dramatiques", instables et émotionnelles

Ce sont les plus visibles, les plus intenses, et souvent… les plus stigmatisées.

  • Personnalité antisociale : transgression des règles, impulsivité, absence de culpabilité, manipulation.
    Souvent associée aux troubles du comportement dès l’adolescence.

  • Personnalité borderline (état limite) : instabilité affective, peur d’abandon, comportements extrêmes (scarifications, relations intenses puis chaotiques), sentiment de vide.
    "Je t’aime – je te hais – ne me quitte pas – je ne vaux rien."

  • Personnalité histrionique : besoin constant d’être au centre de l’attention, théâtralisme, superficialité émotionnelle.
    La personne peut séduire, provoquer, dramatiser… sans toujours en avoir conscience.

  • Personnalité narcissique : besoin d’admiration, dévalorisation des autres, arrogance, mais fragilité extrême sous la carapace.
    "Si je ne suis pas exceptionnel·le, je suis nul·le"

🔹 Groupe C : les personnalités anxieuses ou inhibées

Souvent discrètes, adaptées en surface, mais très douloureuses en interne.

  • Personnalité évitante : peur intense du rejet, évitement des interactions sociales par crainte d’être jugé·e.
    “Je préfère ne pas essayer, au cas où on se moque de moi.”

  • Personnalité dépendante : besoin excessif de soutien, soumission, peur panique d’être seul·e.
    “Je ne peux pas décider sans l’avis de l’autre, sinon je suis perdu·e.”

  • Personnalité obsessionnelle-compulsive (à ne pas confondre avec le TOC) : perfectionnisme rigide, besoin de contrôle, survalorisation des règles, peur de l’erreur.

    "Si ce n’est pas parfait, c’est inacceptable."

🧰 Peut-on changer une personnalité ?

C’est LA grande question.

La réponse est : on ne change pas tout… mais on peut transformer beaucoup.

Les schémas rigides peuvent s’assouplir, les mécanismes d’autosabotage peuvent se déconstruire, les modes relationnels peuvent se reconfigurer.
Mais cela demande :

  • du temps,
  • de l’alliance thérapeutique,
  • et parfois des soins pluridisciplinaires (psychothérapie, accompagnement social, médication ponctuelle…).

Les approches les plus documentées dans la littérature :

  • la TCC, pour modifier les pensées dysfonctionnelles et les comportements répétitifs,
  • la thérapie dialectique comportementale (DBT), notamment pour le trouble borderline,
  • les thérapies psychodynamiques, pour travailler sur les conflits internes,
  • la psychoéducation, pour redonner un cadre, des repères, du sens.

💬 En conclusion : ce n’est pas "une personnalité de merde" – c’est un appel à compréhension

> Les troubles de la personnalité ne définissent pas la personne.
> Ils traduisent un mode de survie, parfois archaïque, souvent douloureux, toujours humain.

Ce ne sont ni des caprices, ni des "mauvaises graines".
Ce sont des parcours de vie qui ont laissé des empreintes profondes sur la construction du moi.
Et ces empreintes, on peut les regarder avec lucidité… et avec bienveillance.

📚 Pour aller plus loin

  • DSM-5, American Psychiatric Association (Traduction française officielle – Elsevier Masson)
  • Jean Bergeret, La personnalité normale et pathologique, Dunod
  • Otto Kernberg, Les troubles graves de la personnalité, Odile Jacob
  • Nancy McWilliams, Les troubles de la personnalité – Théorie et clinique, De Boeck Supérieur
  • Linehan, M., La thérapie comportementale dialectique – Borderline et régulation émotionnelle, De Boeck
  • Catherine Chabert, Les personnalités difficiles, PUF
  • Françoise Sironi, Clinique de l’extrême, Odile Jacob
7 commentaires
un fureteur
()
Est ce quon peut se retrouver dans différentes personnalités ?

Je suppose que oui puisque ça ne définit pas une personne le trouble.

C'est sur que ces troubles ne sont pas des caprices ou une mauvaise personnalité ...c'est qqch qu'on peut peut être améliorer mais on doit vivre
Avec généralement je pense .. cible nombre peu élevé de bons psychothérapeutes et le nombre de mauvais je crois ...
Chose
()
Vu le nombre*
Un Observateur
()
On peut pas juste les assommer, une bonne fois pour toute et passer à autre chose?
A la longue, ça fatigue... Et c'est pas faute d'essayer de s'en défaire mais tout est tellement imbriquer à un moment que de tirer sur un fil ne fait que serrer le noeud...
Bidule
()
Dans les troubles de la personnalité (selon le DSM-5 ou la CIM-11), il est possible de présenter plusieurs traits marqués qui correspondent à plusieurs catégories diagnostiques. Mais :

Techniquement, on peut remplir les critères de plus d’un trouble de la personnalité, surtout si les traits sont très hétérogènes.

En pratique clinique, on privilégie souvent le diagnostic principal ou un trouble de personnalité mixte, car beaucoup de symptômes se recoupent.

Nuance importante : on ne “cumule” pas comme si on collectionnait des étiquettes ; on décrit plutôt un profil de fonctionnement qui peut avoir plusieurs facettes.
Truc
()
Un Pokémon Rare ! Youpi
Truc
()
Les théories freudiennes voudraient parler du moi, surmoi… pour rejoindre la fin de l’article qui exprime qu’on peut regarder tout ça avec bienveillance et lucidité.

Existe-t’il un questionnaire (avec fiabilité scientifique connue) pour différencier ces troubles avec d’autres?

Merci des infos :)
LeDétective
()
Il existe des outils statistiques et standardisés, mais certains ne sont pas accessibles au grand public parce que les interprétations doivent être faites par des psychologues ou des psychiatres.
Les bibles psys sont en libres achats sur Amazone, notamment, mais coûtent assez chers. Le DSM - 5 - TR est à 250 euros, et la CIM est un peu moins cher.
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