đïž Que fait un psy entre deux patients ?
(Spoiler : pas une incantation magique sous la pleine lune)
Câest une question quâon me pose rarement⊠mais que beaucoup se posent, je crois.
Alors allons-y : que fait un psy entre deux rendez-vous ?
Eh bien, je vais briser un mythe tout de suite :
non, je ne reste pas assis dans le silence à méditer sur le sens de votre inconscient.
En vérité ?
Je me laisse 15 minutes. Pas plus. Câest mon sas de dĂ©compression. Mon petit tunnel entre deux mondes.
Enfin⊠quand tout se passe comme prévu.
Parce que, parfois, ces 15 minutes se transforment en 5 toutes riquiqui,
quand le patient dâavant fait un dernier dĂ©tour Ă©motionnel au moment de mettre son manteau, ou reste debout avec la poignĂ©e en main Ă me dire :
> âAh et au fait, je vous ai pas dit⊠Mon pĂšre mâa recontactĂ©.â
Et là , intérieurement, je pleure.
đ§ Je bois de lâeau. Beaucoup.
Le mĂ©tier de psy, câest⊠parler (un peu), Ă©couter (beaucoup), et avoir la bouche sĂšche (toujours).
Alors oui, jâhydrate mon Ăąme, et surtout ma gorge. Et parfois, je rĂąle intĂ©rieurement parce que jâai oubliĂ© de remplir ma carafe.
đ§» Je vais faire pipi.
Oui.
Câest bĂȘte Ă dire, mais câest la rĂ©alitĂ© logistique de tout ĂȘtre humain.
Et comme je me retiens parfois pendant 50 minutes, la pause-pipi est sacrée.
Ăa sâappelle lâĂ©coute de soi, non ?
đ« Je mange une barre protĂ©inĂ©e en douce.
Quand la journĂ©e est longue, que les crĂ©neaux sâenchaĂźnent, et que mon estomac me fait sentir que âla compassion, câest bien, mais un peu de sucre aussiââŠ
Je sors ma barre protéinée. Avalée en deux-deux, souvent debout, parfois en lisant un dossier.
Ce nâest pas un repas.
Câest une tentative de survie Ă©lĂ©gante.
đ§ Je note deux-trois trucs essentiels du rendez-vous dâavant.
Pas une rédaction. Pas un compte rendu de thÚse.
Mais des mots-clĂ©s, des petits trucs Ă ne pas oublier, une phrase importante, un ressenti peut-ĂȘtre.
Juste assez pour me reconnecter à la séance suivante quand je relirai le dossier.
Et pour Ă©viter de me dire dans trois semaines : âMince, câĂ©tait quoi dĂ©jĂ le prĂ©nom du chat traumatisĂ© ?â
đź Je fais une ou deux parties de Disney Solitaire.
Oui, câest un vrai jeu.
Oui, câest colorĂ©, dĂ©bile, pas intellectuel du tout.
Et câest exactement pour ça que je le fais.
Parce que ça me permet dâappuyer sur pause, de dĂ©crocher deux minutes.
On a bien le droit Ă notre petit shoot de dopamine, non ?
đŹïž Je respire.
Parfois juste ça.
Je regarde par la fenĂȘtre.
Je me recentre.
Je reviens Ă moi.
Parce quâon ne passe pas dâune douleur Ă lâautre comme on change de chaĂźne.
Il faut un pont.
Et moi, jâai 15 minutes pour le traverser.
Enfin, sauf quand jâen ai que cinq.
(Si tu as tout suivi, tu sais pourquoi.)
đ Et aprĂšs ? Je rouvre la porte.
Et je repars.
Une nouvelle histoire.
Un nouvel univers.
Avec un corps un peu plus hydratĂ©, une vessie vidĂ©e, un rĂ©sidu de barre protĂ©inĂ©e au fond de la gorge, et un fond musical de victoire Disney en tĂȘte.
"mon dieu ce type est complÚtement cinglé faut que j'appelle la police"
Quand la problématique est trop complexe, déontologiquement, on renvoie vers plus qualifié que soit.
Pour certains d'entre eux, je suis la seule personne qu'ils verront de la semaine, et je fais office de confident... Et puis de maniÚre générale, je suis médiateur plutÎt que formateur, mon but est de leur redonner confiance en eux ; ils arrivent avec toutes leurs peurs, leurs barriÚres...
Fin bref ! Moi aussi entre chaque rendez-vous, j'ai besoin de mon sas de décompression ! Sans doute beaucoup moins que toi, ton métier est infiniment plus complexe que le mien... :) Perso mon sas de décompression, c'est les 3 minutes passées sur l'escalier de service, avec ma vapoteuse...
Je ne comprends pas "avoir la bouche sĂšche (toujours)".
Un indice ?