TDAH adulte : effet de mode ou réelle épidémie silencieuse ?

Depuis quelques années, le trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) chez l’adulte suscite un intérêt croissant. Sur les réseaux sociaux, de nombreuses personnes se reconnaissent dans des témoignages ou des vidéos évoquant l’errance mentale, la procrastination chronique ou l’hypersensibilité au bruit. Ce phénomène pose une question essentielle : assiste-t-on à un effet de mode, ou à la révélation tardive d’un trouble longtemps ignoré chez les adultes ?

🔍 Diagnostic tardif : un rattrapage historique

Le TDAH a longtemps été considéré comme un trouble de l’enfance, réservé aux garçons agités et indisciplinés. Cette vision caricaturale a contribué à invisibiliser les formes plus discrètes (inattentives, sans hyperactivité motrice), notamment chez les filles et les enfants introvertis.

Ce n’est que récemment que la recherche et la clinique ont mis en évidence que :

• Le TDAH peut persister à l’âge adulte chez environ 60 % des enfants diagnostiqués,
• Il peut aussi ne jamais avoir été repéré dans l’enfance, notamment lorsque l’environnement scolaire ou familial a compensé les difficultés.

Le diagnostic adulte devient alors une relecture tardive du parcours de vie, souvent à la faveur d’un burn-out, d’un épuisement parental ou d’un sentiment chronique d’échec.

🧠 Une épidémie silencieuse ou une société moins tolérante à la différence ?

Il serait trop simple de réduire cette vague de diagnostics à un effet de mode. Mais il faut aussi garder un regard critique : dans une société où l’attention est constamment sollicitée, où les rythmes de travail sont toujours plus fragmentés, les symptômes du TDAH sont aussi des symptômes d’un monde qui va trop vite.

La frontière entre trouble neurodéveloppemental et souffrance liée à des facteurs environnementaux peut alors devenir floue. Il est important de ne pas psychologiser ou médicaliser toute difficulté de concentration, sans pour autant négliger ceux qui souffrent réellement de ce trouble.

⚖️ Les biais sociaux : classe, genre et accès au soin

Le diagnostic du TDAH adulte n’est ni neutre ni égalitaire :

• Les femmes sont souvent diagnostiquées plus tardivement, car leur hyperactivité est souvent intériorisée (ruminations, anxiété, agitation mentale).
• Les personnes issues de milieux précaires ou éloignés du soin sont souvent moins diagnostiquées, ou à l’inverse, surdiagnostiquées selon le regard que pose l’institution scolaire sur leurs comportements.
• Le coût d’un bilan neuropsychologique et la méconnaissance du TDAH par certains professionnels de santé ralentissent aussi l’accès au soin.

Le parcours de diagnostic est souvent long, semé de doutes, d’allers-retours entre différents spécialistes, et demande une forme de persévérance… que beaucoup de TDAH peinent justement à mobiliser.

❤️ L’impact du TDAH sur la sphère affective et sociale

Être adulte avec un TDAH non diagnostiqué ou non traité peut avoir des répercussions majeures sur les relations :

• Professionnelles : retards, difficultés d’organisation, hypersensibilité à la critique, sentiment d’être inadapté, changement fréquent d’emploi.
• Amoureuses : impulsivité, oubli des engagements, difficulté à gérer les conflits, instabilité émotionnelle.
• Amicales : besoin d’intensité, difficulté à maintenir le lien sur le long terme, peur du rejet ou de l’oubli.

Mais une fois reconnu, le TDAH peut aussi devenir un levier de transformation. Beaucoup de personnes rapportent un grand soulagement à mettre des mots sur leur fonctionnement, à ajuster leurs attentes, à construire un environnement plus adapté à leurs besoins cognitifs.

🛠 Parcours de soin et stratégies d’apaisement

Le traitement du TDAH adulte repose sur plusieurs piliers :

• Une évaluation pluridisciplinaire, incluant souvent un psychiatre et un(e) neuropsychologue,
• Une psychoéducation, permettant de mieux comprendre son fonctionnement et de faire la part entre soi et le trouble,
• Des approches thérapeutiques : TCC, thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT), coaching attentionnel,
• Un traitement médicamenteux quand cela s’avère nécessaire (méthylphénidate, atomoxétine…).

Certaines personnes choisissent également de ne pas médicaliser leur TDAH, en misant plutôt sur une meilleure hygiène de vie, des routines externalisées (plannings, rappels, timers), ou des environnements moins bruyants et plus flexibles.

Effet de mode ? Peut-être dans sa visibilité soudaine. Mais le TDAH adulte existe bel et bien, et les témoignages qui affluent ne sont pas des caprices d’une génération surconnectée, mais les cris étouffés d’une souffrance trop longtemps incomprise.

Au fond, cette "épidémie silencieuse" pourrait être une opportunité : celle de repenser notre rapport à la norme, à la productivité, et à la diversité des fonctionnements cognitifs.