Billet d’humeur : la psychologie inversée, ce fantasme tenace
Il suffit d’assister à quelques séances de thérapie pour entendre surgir, à un moment ou un autre, cette petite phrase lancée avec un sourire en coin ou une lueur de suspicion dans le regard :
« Là, vous avez utilisé de la psychologie inversée, non ? »
C’est devenu une sorte de réflexe : dès que le thérapeute ne va pas dans le sens attendu, ou qu’une réflexion inattendue provoque une prise de conscience, certains imaginent qu’un coup de poker mental vient d’être joué. Pourtant, il serait temps de clarifier une chose : la psychologie inversée, telle qu’elle est fantasmée, n’a aucune existence clinique. Rien, zéro, néant. Pas de théorie, pas de méthode, pas d’outil reconnu. Juste un mythe tenace.
La psychologie inversée : une ruse, pas une discipline
Dans l’imaginaire collectif, ce serait une technique consistant à dire l’inverse de ce que l’on pense pour pousser l’autre à faire ce qu’on veut. Un peu comme dire à un enfant : « Surtout ne fais pas tes devoirs maintenant » en espérant qu’il s’exécute, poussé par un mystérieux besoin de contredire.
Cette stratégie, dans les faits, relève plus de la manipulation légère que de la psychologie. Ce n’est ni enseigné dans les facultés, ni pratiqué dans les cabinets. Les thérapeutes ne sont pas des illusionnistes. Leur travail ne repose pas sur des subterfuges, mais sur une écoute active, des hypothèses cliniques, et une lecture fine du vécu du patient.
Pas de pièges, pas de jeux d’esprit
Imaginer qu’un thérapeute use de psychologie inversée revient à croire qu’il fonctionne comme un prestidigitateur mental. Mais la réalité est plus simple — et plus exigeante. Un thérapeute n’a pas de plan caché. Il ne cherche pas à provoquer un comportement précis. Il accompagne, propose, reformule, confronte parfois… mais toujours dans une intention claire et transparente : aider la personne à mieux se connaître et à faire ses propres choix.
Il n’y a ni manipulation, ni marionnettisme. Si une parole thérapeutique provoque une réaction inattendue, ce n’est pas parce qu’un piège a été tendu. C’est souvent parce que quelque chose a touché juste, au bon moment. Et ça, ce n’est pas de la magie. C’est de l’écoute.
Et les thérapies stratégiques alors ?
Certes, certaines approches comme les thérapies brèves ou la thérapie stratégique utilisent parfois ce qu’on appelle des prescriptions paradoxales. Il s’agit, par exemple, de demander à une personne d’intensifier un comportement problématique pour qu’elle en prenne conscience. Mais ces interventions ne sont ni aléatoires ni sournoises. Elles s’inscrivent dans un cadre thérapeutique clair, sont discutées, expliquées, et visent un objectif partagé. Là encore, aucune ruse. Juste un outil clinique, utilisé avec éthique.
Pourquoi ce fantasme persiste ?
Probablement parce qu’il est plus facile de croire qu’on a été « influencé » par un professionnel que d’assumer qu’un changement a émergé de soi-même. Il est plus rassurant d’imaginer un psy à l’intelligence redoutable, capable de retourner une situation par une simple phrase, que d’accepter qu’une parole entendue au bon moment peut suffire à ouvrir une brèche.
Mais cette brèche, elle vient de l’intérieur. Le thérapeute n’en est pas l’auteur. Tout au plus, il en a facilité l’émergence.
Pas de manipulation, juste de la relation
Il est temps d’abandonner cette image du psy-illusionniste. Le thérapeute n’avance pas masqué. Il ne cherche pas à gagner une partie d’échecs contre l’inconscient du patient. Il accompagne, il accueille, il soutient. Et surtout, il respecte.
Pas de psychologie inversée. Pas de double discours. Juste une rencontre, parfois déroutante, souvent féconde. Et surtout, profondément humaine.
Merci pour cette propa! ☕🤓
Un thérapeute n'a pas le temps de jouer avec ses patients.