Humour : Chronique d’un thérapeute en détresse
"Docteur, je vais mal… mais je ne vois pas pourquoi"
Ah, la psychologie ! Ce noble métier où l’on écoute, où l’on guide, où l’on tend la main aux âmes égarées… mais aussi, parfois, où l’on se cogne la tête contre un mur invisible en répétant les mêmes choses en boucle. Car il est un fléau que tout psychologue redoute : le patient hermétique, ce roc impassible face aux efforts désespérés du thérapeute.
L’art du "je ne comprends pas"
C’est un art subtil, une véritable performance que certains patients maîtrisent à la perfection.
- "Vous voyez, votre anxiété vient peut-être de ce schéma de pensée négatif…"
- "Je vois, docteur. Donc c’est parce que mon chat est noir et que je n’ai pas mangé de pâtes hier ?"
- "... Non."
On tente une autre approche, on reformule, on donne des exemples, on dessine des schémas, on mime une métaphore avec des Playmobil s’il le faut… rien n’y fait. Le message se dilue quelque part entre le cerveau du patient et son oreille interne, pour ressortir sous une forme totalement absurde.
Les différentes catégories de l’incompréhension
Soyons scientifiques. Après des années de terrain, voici une typologie des patients qui ne comprennent rien :
1. Le Perroquet Perplexe
Il répète tout ce que vous dites… mais avec de légères modifications qui trahissent une totale incompréhension.
- "Donc, vous me dites que ma peur de l’abandon vient de mon enfance ?"
- "Exactement."
- "D’accord. Donc mon père m’a abandonné à Carrefour un jour, et c’est pour ça que je déteste les promotions ?"
- "... Non."
2. Le Comploteur Cognitif
Il est persuadé que vous compliquez exprès les choses pour l’embrouiller.
- "Vous avez dit quoi ? Une distorsion cognitive ?"
- "Oui, c’est une façon erronée d’interpréter la réalité."
- "Ah oui, bien sûr… Vous êtes du système, c’est ça ? Vous voulez me matrixer ?"
- "... Bon. Vous aimez les puzzles ? On va faire un exercice simple."
3. Le Philosophe de la Mauvaise Foi
Il a lu un ou deux bouquins de philo et croit pouvoir retourner chaque phrase contre vous.
- "Je pense que vous projetez certaines angoisses sur votre entourage."
- "Mais au fond, qu’est-ce que la projection ? N’est-ce pas une illusion du moi qui cherche à s’auto-nier dans l’autre ?"
- "Écoute Jean-Michel Nietzschouille, arrête et respire."
4. Le Lâcheur de Synapses
Lui, il n’a juste pas envie de comprendre. Trop d’effort.
- "Vous savez, ce que vous ressentez est normal après cette séparation."
- "Oui oui, bien sûr… sinon vous pensez que ça va pleuvoir demain ?"
- "... Vous m’écoutez ?"
- "Oui oui, docteur, bien sûr, vous disiez ?"
Le psychologue à bout de nerfs
Après une heure de lutte, le psychologue est en sueur, il a tout donné. Son cerveau est en mode "batterie faible", son âme flotte quelque part entre l’envie de pleurer et de partir élever des chèvres dans le Larzac.
Il tente une dernière métaphore :
- "Imaginez que votre anxiété est un chien. Si vous la nourrissez avec des pensées négatives, elle grandit. Si vous l’ignorez, elle s’apaise."
- "Ah ! D’accord ! Donc c’est mon chien qui me rend anxieux !"
Game over.
À ce moment-là, deux options :
- Faire semblant de mourir pour voir si le patient capte enfin quelque chose.
- Prescrire du yoga… à soi-même.
Et puis, on se souvient pourquoi on fait ce métier. Parce qu’il y aura toujours ce moment magique, où, après vingt séances, le patient écarquillera les yeux et dira enfin :
- "Ahhhh ! Mais en fait, vous vouliez dire que c’est ma peur de l’abandon qui me fait agir comme ça ?"
- "... Oui."
- "Ah, fallait le dire plus tôt !"
Le psychologue sourit, une larme de soulagement au coin de l’œil. Il l’a fait. Il a percé la muraille de l’incompréhension. Il peut désormais rentrer chez lui, s’écrouler sur son canapé, et pleurer en regardant des documentaires sur des gens qui, eux, comprennent.
Et demain, ça recommence.
Ou, tout simplement, les prendre en photo, imprimer les photos puis jouer aux fléchettes avec ?
Excusez-moi monsieur, mais vous êtes trop immature pour que je vous prenne en charge.