Au secours, j’adore la philosophie !
C’est arrivé sournoisement, sans prévenir. Un jour, on feuillette un livre au hasard, et paf ! On tombe sur une citation de Kant qui, contre toute attente, ne donne pas envie de fuir en courant. Pire, on la relit. On l’apprécie. Et avant même d’avoir compris ce qui nous arrive, nous voilà en train d’écrire des notes dans la marge, de lancer des débats existentiels sous la douche et de terroriser nos amis avec des phrases du genre :
> "Mais si on ne peut jamais être sûrs de rien, peut-on être sûrs de ne jamais être sûrs ?"
Le début de la fin
Tout commence souvent par un philosophe inoffensif. Socrate, avec son air bonhomme et sa tendance à poser des questions plutôt qu’à donner des réponses, semble sympathique. On se dit : « Pourquoi pas ? ». Après tout, un type qui passe son temps à se balader en sandales et à agacer les puissants ne peut pas être totalement antipathique.
Mais c’est un piège. Socrate, c’est la porte d’entrée dans un monde où tout est sujet à débat, même les choses les plus évidentes comme :
> "Est-ce que cette chaise existe vraiment ou est-ce juste une idée de chaise ?"
Et une fois qu’on a mis le pied dedans, impossible de s’arrêter. On enchaîne avec Platon, Aristote, Descartes, Nietzsche… On commence à dire des choses comme « Il faut distinguer l’être de l’étant » dans des conversations normales et, sans le vouloir, on devient cette personne qui gâche les soirées en expliquant pourquoi la liberté est un concept bien plus compliqué qu’on ne le croit.
La spirale infernale
Le pire, c’est qu’on y prend goût. Un matin, on se surprend à lire Spinoza avec son café, comme d’autres lisent les nouvelles du jour. On commence à regarder les gens dans la rue en se demandant s’ils sont réellement libres ou seulement déterminés par des forces qu’ils ignorent.
On réfléchit à la nature du bonheur et on se met à douter du simple plaisir de manger une tablette de chocolat, se demandant si c’est un bien véritable ou juste une illusion passagère de satisfaction sensorielle.
> Spoiler : ça gâche un peu le goût du chocolat.
Les symptômes irréversibles
Les signes ne trompent pas. Si tu es capable de glisser un « C’est très heideggérien, comme question » dans une discussion anodine, si tu trouves que Pascal avait raison de paniquer devant le silence éternel des espaces infinis, ou pire, si tu trouves Hegel limpide et logique, alors il est trop tard. Il n’y a plus d’échappatoire.
À ce stade, il ne reste que deux solutions :
- Assumer totalement et devenir la personne qui murmure des citations de Schopenhauer dans les files d’attente.
- Essayer de se sevrer avec des contenus plus légers, comme la météo ou les notices de montage de meubles IKEA (même si on peut toujours y voir une métaphore de l’absurdité de l’existence, ce qui complique la désintox).
Conclusion (qui, bien sûr, reste ouverte à débat)
Aimer la philosophie, c’est se condamner à ne plus jamais voir le monde de la même manière. C’est remettre en question des choses que tout le monde accepte sans broncher. C’est aussi se heurter à l’incompréhension générale quand on explique qu’on trouve Kierkegaard « assez drôle ».
Alors oui, c’est un peu inquiétant. Mais après tout, comme disait Socrate :
> « Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien. »
Et si lui s’en est sorti avec ça, on devrait pouvoir s’en sortir aussi.
Veux-tu m'épouser ?
Pas que je sois moi même une spécialiste de la philo, je trouve juste cette orgie de concepts TROP SEXY !
En réponse à Jérôme-32126, il y a des idées qui, lorsqu'elles germent en moi en écho à des réflexions philosophiques, provoquent des remous émotionnels très intéressants. Les moments "Eurêka" touchant à des concepts fondamentaux donnent une impression profond de stabilisation et d'ancrage par exemple, et des moments d'émerveillement et d'éclats de rires.
Il me paraît évident qu'on ne lit pas Kant ou Hegel comme on lirait un roman de Musso. Non seulement, plusieurs lectures sont nécessaires mais elles nécessitent souvent d'autres lectures complémentaires. En ce sens, et comme nous le démontre Twix, elle revête souvent un caractère initiatique pour l'intéressé.
Mais la philosophie est aussi un domaine exigeant dont la lecture est souvent perçue comme une torture plus que comme un plaisir. Elle renvoie à des concepts complexes et fastidieux (cérébrale, "intellectuelle"), là ou la littérature classique s'apparentent plus facilement au plaisir. D'une certaine façon, la philosophie est plus rattaché à la notion de "travail".
Conséquences, on en arrive à opposer réflexions/pensées et émotions/sentiments. J'aurais plutôt tendance à penser qu'ils s'alimentent mutuellement. La réflexion peut susciter de l'émotion, comme l'émotion peut susciter des questionnements. On peut aimer vivre des émotions tout en cherchant à en comprendre le fonctionnement et le pourquoi.
Au-delà de la hantise de ne pas comprendre ou de ne pas être un lecteur à la hauteur, la philosophie nous renvoie parfois à notre propre ignorance et l'être limité que nous sommes; chose pas toujours agréable. Ainsi beaucoup de personnes ont un attrait naturel pour les questions existentielles mais n'oserons jamais ouvrir un livre de philo par peur de ne rien y comprendre ou de s'ennuyer (bien que le second est souvent la conséquence du premier).
Personnellement, j'ai du mal à m'y mettre par hantise d'abandonner en cours de route mais je compte bien dépasser mes appréhensions même si je ne saisis que 20% du contenu. De la même manière que je peux aimer et n'écouter que 3 ou 4 morceaux d'un album de 15 titres alors que j'apprécie globalement le travail de l'artiste.
Si je saisie au moins deux ou trois idées importantes, ca sera déjà pas si mal. Cela peut tout à faire suffire à m'ouvrir et me faire évoluer dans mon cheminement personnel et c'est l'essentiel. Que je partage ou non, le point de vu générale de l'auteur d'ailleurs. :)
Merci pour ce bel article.
Mais la philosophie, hormis un Hannah Arendt (Qui m'avait d'ailleurs été conseillé par un paranoïaque. ), j'ai jamais pu. Et j'en ai tenté 2 ou 3. Le dernier abandon était Marx et son capital.
En fait ce n'est pas de la lecture : c'est de l'étude.
Sur Kant je me suis retrouvé à prendre des notes, pour me souvenir quelle définition il donnait à tel concept, sur lequel il mène ensuite des manipulations logiques, parce que sinon on se perd dans la chaîne et il n'y a plus qu'à recommencer.
Le langage est un outil efficace, mais lourd, pour analyser, ou extrapoler mathématiquement sur des sujets tels que la nature de la réalité.
Ce n'est pas que je ne comprends pas : c'est que je trouve ça fastidieux.
D'autant plus, ayant une certaine accointance pour la lecture, quel que soit le support ou le sujet, ben je suis rarement surpris par le concept que je vois se développer. Il n'y a que rarement cette notion de "révélation".
Et au bout de 200 pages de minutie laborieuse, ben j'arrête.