La pire place au monde
Bonjour citoyens de INT !
On voit souvent sur Internet des articles tentant de faire un classement des plus belles villes, des pires, des plus beaux endroits où vivre, etc…
Également, on peut trouver le palmarès des plus belles places au monde : la Grand-place du marché de Cracovie, la place Saint-Marc de Venise, la Place Stanislas de Nancy, la Grand-Place de Bruxelles, etc…
Mais connaissez-vous la pire place du monde ?
Il s’agit de la place à gaz.
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Je vous ai quelque peu menti, il ne s’agit pas réellement d’une place présente dans une ville où nous trouverons des cafés touristiques et des badauds errant en prenant des photos pour Instagram.
Cette place se situe en pleine nature, au beau milieu d’une forêt dans la Meuse, près de Verdun.
Mais cette place a bien été faite par l’Homme.
Cette clairière dans la forêt de Spincourt a malheureusement été baptisée «La place à gaz» en raison de l’activité qui s’y est déroulée.
Vous le savez bien, Verdun et ses alentours ont été les lieux d’une longue, dramatique et terrible bataille durant la première Guerre Mondiale.
Six mois d’horreur dont je pourrais vous parler plus longuement si le sujet vous intéresse.
Durant cette guerre, beaucoup d’armes ont été utilisées pour tenter de faire plier l’ennemi et le détruire, parmi elles : les armes chimiques : chlore, phosgène, et le tristement célèbre gaz moutarde.
Après l’armistice, on a transporté sur ce lieu des centaines de milliers d’obus non explosés sur les champs de bataille environnants, parmi eux on comptait 200 000 obus chimiques (ou 1,5 million selon les sources).
Les considérations d’aujourd’hui ne sont pas celles qui étaient en vigueur à l’époque, ni hier d’ailleurs puisqu’on a attendu la fin du XXème siècle pour se poser des questions sur les éventuelles séquelles de cette guerre et la pollution des sols.
Depuis un siècle, plus rien ne pousse dans cette clairière.

Ainsi, en 2004 deux chercheurs allemands et un chercheur français font une étude des sols de cette place à gaz, et rendent les résultats de cette étude en 2007.
Les résultats sont sans surprise : le sol est saturé de métaux lourds (cuivre, plomb, zinc), ainsi que de perchlorate d’ammonium et d’arsenic.
C’est donc en 2005 qu’on a enfin grillagé le lieu, puis on a interdit formellement tout accès à cette clairière en 2012, soit 94 ans après l’armistice.
Plus jamais rien ne poussera en ces lieux.
Les conséquences de la Première Guerre Mondiale sont encore très présentes aujourd’hui.
À la fin de la guerre, le gouvernement français avait établi une cartographie des zones les plus touchées par les combats, délimitant une zone rouge complètement détruite.
L’État français a racheté les lieux, les a reboisés et n’y a plus trop pensé.

Pour la Belgique, je n’ai trouvé que cette cartographie des zones les plus touchées, où sont représentées les zones où le plus d’immeubles ont été détruits.
Mais cela laisse présager des zones potentiellement les plus polluées en Belgique.

Les munitions chimiques non utilisées ont été stockées par les différents belligérants, sans qu’aucun inventaire n’existe aujourd’hui. Certaines sont encore stockées, d’autres ont été balancées à l’eau comme dans le lac d’Avrillé (Maine-et-Loire) ou enfouies dans le gouffre de Jardel (Doubs), ou jetées à la mer en Belgique au large de Zeebrugge.
La pollution rémanente des sols commence doucement à être évoquée et prise en compte aujourd’hui.
Combien de munitions, chimiques ou non, gisent encore dans les sols ?
Certaines y sont tombées, se sont enfouies dans la boue sans exploser. D’autres peuvent encore être trouvées dans de nombreuses caches souterraines de munitions, laissées là à la fin de la guerre.
Le problème est qu’avec le temps ces obus se dégradent, les métaux et polluants s’infiltrent dans le sol puis dans les nappes phréatiques, et se retrouvent dans l’eau du robinet ou dans les plantes cultivées.
On retrouve encore aujourd’hui des obus, très régulièrement, soit lors de travaux, soit lorsque la terre finit par les régurgiter. Et l’on doit régulièrement évacuer des habitants le temps que les démineurs interviennent pour neutraliser, sans parler du travail nécessaire pour dépolluer les sols, si cela est possible.
Aucun doute que ce combat durera encore longtemps.
Sources : https://www.blelorraine.fr/2018/03/pollution-chimique-de-1914-1918-nord-meusien/ https://www.lemonde.fr/a-la-une/article/2014/01/20/le-poison-de-la-guerre-coule-toujours-a-verdun_4348426_3208.html https://fr.wikipedia.org/wiki/Zone_rouge_(s%C3%A9quelles_de_guerre) https://robindesbois.org/inventaire-des-dechets-de-guerre-du-1er-janvier-2012-au-30-avril-2018/
Merci pour ce "bel" article. C'est important de briser le silence sur ce sujet.